Le 1er septembre 1939, l’officier de réserve Józef Czapski, est mobilisé et se rend à Cracovie pour rejoindre le 8e Régiment des Uhlans. Le 27 septembre, à Chmielk, à la frontière de la voïvodie de Lvov, il est capturé et fait prisonnier par l’Armée Soviétique avec deux escadrons de ce régiment. Au début, il est interné à Starobielsk. Au début de mars 1940, le gouvernement soviétique prend la décision de supprimer les prisonniers de trois camps spéciaux, dont Starobielsk. Des listes collectives sont préparées et jointes à la lettre de Beria, adressée à Staline en date du 5 mars 1940. Cette lettre sert de base à la résolution du Bureau Politique du Comité Central du Parti. Toutes les personnes figurant sur la liste sont condamnés à être fusillés, à l’exception de 395 prisonniers radiés de la liste et transportés au camp de Juchnów (Pawliszczew Bor). Le capitaine de cavalerie Joseph Czapski fait partie ce groupe.
Jusqu’aux années 1990, les critères selon lesquels certains prisonniers furent épargnés n’étaient pas connus. C’est seulement l’ouverture des archives de l’UPW qui a permis à l’historienne russe Natalia Lebiediewa de procéder à un examen détaillé des événements.
Sur la liste des prisonniers du camp de Juchnów, sur laquelle sont indiquées les causes du transfert, Czapski figurait sous le numéro 205: « Czapski Józef, fils de Jerzy. Né en 1896, numéro du dossier 2369. Capitaine de cavalerie sans fonctions ».
Dans la rubrique dévoilant la cause du transfert apparait la référence: « ambassade allemande ». A côté des autres noms, figurent les références suivantes: « à la demande du Ve département du GUGB NKVD URSS» (renseignement militaire), « Mission lithuanienne », « ordre de Mierkulow » et « Allemand d’origine ».
A l’époque où fut prise la décision de supprimer le camp de Starobielsk, le Commissariat Populaire des Affaires Etrangères envoya au NKVD URSS une liste supplémentaire avec les noms des personnes que réclamait l’ambassade allemande. Et c’est sur cette liste que se trouvait le nom de Czapski. Les influences de l’ambassade allemande permirent de dégager certains noms de la liste, de ne pas transmettre les dossiers personnels et en conséquence, de ne pas considérer ces prisonniers comme condamnés.
Il résulte des documents cités par Czesław Madajczyk que le 30 janvier 1940, le comte Ferdinand du Castel s’est adressé au conseiller de l’ambassade allemande à Rome, le baron Johann von Plessen, en lui demandant d’intervenir pour libérer le comte polonais prisonnier. Le prince Bismarck s’est adressé au baron van Plessen avec la même demande. Le baron lui a répondu que la comtesse Palacka lui avait écrit à ce sujet, mais que les interventions diplomatiques allemandes ne donneraient pas les résultats attendus, étant donné que « les autorités soviétiques manifestaient une retenue particulière en ce qui concerne les prisonniers de guerre ».
Ces documents prouvent après des années que l’auteur des « Souvenirs de Starobielsk » ne devait pas sa vie à un miracle, mais aux interventions de personnes influentes citées ci-dessus, mais également celles des princes S. Radziwiłł et E. Lubomirski. Czapski a vécu pendant des années persuadé qu’il devait son salut au hasard. C’est la lettre de Natalia Lebediewa du 22 octobre 1990 qui lui a appris l’intervention de l’ambassade allemande et la vérité sur son destin.
En conséquence, Józef Czapski a été transporté du camp de Pawliszczew Bor au camp de Griazowiec, où il a organisé une action d’autoformation pour les prisonniers. C’est là qu’il a donné – de mémoire – des conférences sur Proust.
En 1941, après la signature de l’accord Sikorski-Majski, J. Czapski rejoint à Tock l’Armée Polonaise en URSS, commandée par le général Anders. En tant que commandant d’une cellule de l’état-major recueillant les données des personnes disparues, il mène des recherches infructueuses concernant les officiers polonais prisonniers. Le 13 avril 1943, la radio allemande émet un communiqué sur la découverte du charnier de Katyn. La découverte du crime soviétique est un choc terrible pour celui qui a évité une balle dans la nuque.
Czapski est ensuite nommé chef du Département de la Propagande et de l’Information auprès de l’état-major de l’Armée Polonaise à l’Est et suit celle-ci dans son périple du Turkiestan jusqu’en Irak.
Pendant son travail dans l’armée polonaise, il écrit également des courts feuilletons pour les journaux polonais « Orzeł Biały » et « Kurier Polski », publiés à Bagdad. Il y aborde des thèmes importants pour ses compatriotes et les illustre de fragments de vers patriotiques des poètes polonais.
En 1944, Czapski suit le 2e Corps de l’Armée Polonaise en Italie et, promu lieutenant-colonel, prend part à la campagne comme chef du Département de la Propagande et de la Culture (jusqu’en aout 1944). A Rome, il publie pour la première fois les témoignages de son séjour en URSS sous le titre « Souvenirs de Starobielsk » et écrit un article intitulé « La vérité sur Katyń » dans le journal « Gavroche ».
A partir de mars 1945, J.Czapski dirige le poste du 2e Corps d’Armée et du Ministère de l’Information de Gouvernement Polonais à l’Etranger situé à l’Hôtel Lambert à Paris. En 1947, parait à Rome le premier numéro de la revue Kultura. Grâce à ses contacts, ses influences et sa connaissance du français, Czapski joue un rôle fondamental dans la formation des bases de la revue à l’Institut Littéraire en contribuant à créer (d’abord à Rome, puis à Maisons-Laffitte) une maison d’édition qui aura une influence capitale sur la Pologne.
Auteur: Elżbieta Skoczek, directeur du Festival Józef Czapski, président de la Fondation SUSEIA, se consacre à l’œuvre de Józef Czapski en étudiant les archives et les mémoires, en recueillant les informations sur les œuvres du peintre (projet: Catalogue raisonné des œuvres de Józef Czapski), et en enregistrant les conversations avec ceux qui l’ont connu. Travaillant à la diffusion de la connaissance du peintre polonais, elle a créé en 2017 le Festival Józef Czapski, qu’elle dirige depuis. Auteur de textes et éditeur de www.jozefczapski.pl