Le 1 février 1963
Toucher le fond
[…] Après le travail. Deux toiles, Nuage rose et Un café à Aix. Encore un mélange de bons passages – « ça s’impose comme une évidence, c’est exactement ça, je choisis cette position, pas une autre… ». Comme le dit Corot, il ne faut laisser d’indécision dans aucune chose – et de mauvais passages, où la fatigue fait poindre l’ombre de la résignation : « on peut le faire comme ça, ou autrement, finalement, ce n’est pas aussi important que ça… ». C’est céder à la ligne de la moindre résistance ; l’on s’en aperçoit quelques secondes trop tard, temps suffisant pour gâcher la toile. Delacroix dit que le plus difficile c’est de savoir à quel moment s’arrêter.Deux heures de travail, pas plus, et cette fatigue littéralement définitive! Mais bon, ce ne serait pas mal d’avoir deux heures comme ça tous les jours […].
Le 18 avril 1963
[…] Delacroix, Hokusai, leur amour, leur passion pour l’art n’a jamais faibli. Proust, de façon suicidaire a donné sa vie à son travail, au-delà de ses forces, et sut, au seuil de sa mort, que c’était l’essence de sa vie […]. […] Ce sont peut-être mes tentatives pour fuir la vieillesse et sa misère, car c’est pure illusion de penser qu’une fois bien reposé, je serai à nouveau jeune, heureux de cet espoir de porter « l’incroyable», d’y arriver. Ce temps-là ne reviendra plus et il faudra faire un autre, un dernier effort «suicidaire» et oublier non seulement les plaisirs mais aussi «les bonheurs » de la jeunesse. « D’où vient cette conviction bien ancrée que la vie devrait être plaisante»? Brzozowski et ses notes juste avant sa mort, de même chez Proust, le dernier feu. Dans mes tentatives d’écriture, quelle est la part qui incombe à mon envie de fuir la peinture au seuil de sa réalisation? « Il a traversé la mer… »
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